PSYCHOLOGUE du TRAVAIL Lille Bertrand ROBIDEZ

PSYCHOLOGUE  du TRAVAIL   Lille Bertrand   ROBIDEZ

Le burn out au travail

 

Le syndrome du “burn out”

Tiré de valeurs actuelles et rédigé Marine Allabatre le jeudi, 14/04/2011

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Surcharge de travail, perte de motivation, stress… Véritable maladie du travail, le “burn out” touche de plus en plus de monde. Entretien avec le Dr François Baumann.

 

Qu’est-ce que le “burn out” ? C’est un terme emprunté à l’aéronautique dans les années 1970 par un psychiatre, le Pr Herbert Freudenberger. Cela signifie “brûler de l’intérieur”. C’est le mot qu’on utilise quand une fusée brûle la totalité de son carburant et qu’elle se met à brûler elle-même. Lorsqu’une personne n’a plus de carburant, plus d’énergie, elle subit un burn out.

 

Y a-t-il un mot français pour désigner cette maladie ? Burn out est pratique parce que, comme souvent avec l’anglais, il synthétise ; on peut dire aussi “souffrance au travail” ou “syndrome d’épuisement émotionnel”.

 

Quels sont les symptômes du “burn out” ? D’abord, l’épuisement émotionnel. Lorsque mes patients m’en parlent, ils me disent : « Je suis vidé. » L’image qu’on utilise pour l’expliquer est celle d’un immeuble incendié dont il ne resterait que la façade. Tout ce qui est à l’intérieur est brûlé. C’est ça, l’épuisement émotionnel : on a l’impression que vous êtes là mais, au point de vue émotionnel, vous n’êtes plus là. Vient ensuite le deuxième symptôme : la déshumanisation de la relation à l’autre. C’est ce qu’on trouve souvent chez les professions d’aide, comme les médecins, les policiers, les enseignants : on peut avoir l’impression que ces gens sont d’une grande froideur, d’une grande distance, comme un médecin qui, au lieu de parler de son patient, parlerait du numéro de sa chambre à l’hôpital. Le surmenage peut vous déshumaniser.

Enfin, le troisième symptôme, c’est l’aboutissement du burn out, ce qui le rend dangereux et peut conduire à des tentatives de suicide : c’est l’échec personnel. Les gens se désinvestissent d’eux-mêmes et se détachent de leur personnalité.

 

Cette “maladie” est-elle réservée aux professions d’aide ? Quand j’ai écrit mon premier ouvrage, ça concernait surtout le personnel médical et paramédical. Au jour d’hui, de plus en plus de professions sont touchées : les enseignants, la justice, les policiers, mais aussi une caissière de supermarché si elle est en contact avec les gens, les employés en contact les uns avec les autres dans les entreprises… En terme médical, on parlerait d’une épidémie de burn out.

 

Pourquoi le phénomène augmente-t-il ? Beaucoup de gens définissent le burn out comme l’aboutissement d’un stress chronique. Or le stress, manifestement, augmente, dû à la pression au travail, l’individualisme croissant, la froideur de la relation au travail… Les open spaces accroissent le stress, parce qu’ils permettent de mieux surveiller les employés. L’informatisation de la société n’a pas encore été bien “digérée”. Les salariés emmènent chez eux des téléphones portables, des ordinateurs, et continuent à travailler dans des temps auparavant réservés à leur vie personnelle. Ils finissent par être en permanence stressés par leur activité.

 

En temps que médecin, que conseillez-vous pour prévenir le “burn out” ? Il faut conseiller les gens en fonction des causes. Les causes extérieures à eux-mêmes, ils n’y peuvent pas grand-chose. Pour aller mieux, il faut mieux organiser son travail, éventuellement grâce au management, et dire non à l’informatisation sauvage ou aux portables à la maison, par exemple… Les autres causes sont d’ordre psychologique. N’importe qui ne fait pas un burn out : on considère que sur cinq personnes soumises au même stress, environ deux courent un risque de burn out. Les autres sont défendues par certaines qualités personnelles qui font qu’elles peuvent mieux s’adapter au stress.

 

Quels conseils donner aux personnes plus sensibles ? La première chose, très “bateau”, c’est d’essayer de mieux se connaître et de comprendre pourquoi elles sont rentrées dans ce système de travail. Ne pas abandonner ses besoins essentiels, conserver ce qui fait l’intérêt de la vie, ses enfants, sa famille, son conjoint… Son sport aussi. Je dis souvent : « N’oubliez pas que vous avez un corps », car quand on commence à penser qu’on a un corps, on s’éloigne des machines. Il faut faire du bien à son corps pour donner à son âme envie d’y rester ! On disait d’ailleurs que le burn out était une maladie de l’âme en quête de son idéal : les patients atteints sont souvent des gens qui ont un idéal au départ, des gens “à vocation”, des médecins, des enseignants, des juges… Leur dire d’arrêter de travailler pour se soigner n’est pas toujours facile !

 

Propos recueillis par Marine Allabatre

François Baumann est l’auteur de Burn out, quand le travail rend malade et le Guide anti burn out (éditions Josette Lyon).

 

vous pouvez également écouter cette émission sur ce sujet

http://www.franceinter.fr/emission-le-telephone-sonne-le-burn-out



20/11/2015